L’absence de réelle volonté politique fait obstacle à la lutte contre le tabagisme au Sénégal selon le Dr Abdoul Aziz Kassé. Dans un entretien accordé à la gazette, le Dr Kassé par ailleurs président de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) appelle à l’application rigoureuse de la loi anti-tabac. Mieux, il en appelle à la correction des insuffisances du projet de loi qui autorise la publicité, la promotion et le parrainage de ce produit dont la dangerosité n’est plus à démontrer.
« Le Sénégal est l’un des premiers pays à avoir ratifié la convention sur la lutte anti-tabac. Il ne reste qu’une chose : prendre les dispositions qu’on a ratifiées pour les transformer en texte de loi, le faire voter à l’Assemblée nationale et l’appliquer », souligne d’emblée le Dr Abdoul Aziz Kassé. Insistant sur la nécessité de corriger les insuffisances du projet de loi qui autorise la publicité dans les lieux de vente, la promotion et le parrainage ; le président de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) interpelle les autorités pour une application sans délai de la loi anti-tabac.
En effet, le Sénégal a paraphé depuis 2005, la Convention-cadre de l’Organisation mondiale la santé (OMS), pour lutter contre ce fléau qui prend davantage d’ampleur surtout au niveau de la couche jeune. Seulement, c’est une nouvelle fois l’application qui pose problème. D’après, le cancérologue très réputé dans la lutte contre le tabagisme, c’est une véritable absence de volonté politique qui est à l’origine de cette non-application. « Le plus grave est que dans le projet de loi, la publicité n’est pas du tout interdite. Pis, cette pub est destinée directement aux jeunes, à travers des gadgets et avec la complicité des stars. Et les autorités ne font rien », fulmine-t-il.
Aussi, selon le président de la Listab, l’avertissement « abus dangereux pour la santé » inscrit sur les paquets de cigarettes, n’est rien d’autre qu’une vulgaire dissimulation. « Ce n’est pas l’abus qui est dangereux, mais plutôt l’usage », décrie le médecin avant d’ajouter que « ce message n’est destiné qu’à une infime partie des Sénégalais qui savent lire. Par contre si l’on affichait l’image de quelqu’un qui a le cancer de la bouche, ce serait un vrai message d’alerte ! »
Selon lui, ces compagnies et autres multinationales spécialisées dans la fabrication et la vente de tabac, ciblaient au départ les hommes à travers la publicité. Aujourd’hui, le constat est que les femmes sont autant visées avant un marketing qui n’en finit d’inciter. « Les cigarettes sont plus fines, avec des paquets très jolis, avec de la dorure qui donne l’impression d’un bijou. Et malheureusement, cette stratégie est payante. Au moment où, les hommes renoncent à la cigarette, ce sont les femmes qui fument le plus » se désole-t-il.
En effet, selon une étude de la Listab, les filles qui fument représenteraient prés de 9%. Pis, « les enfants de fumeurs naissent avec des tares et en plus elles fument dix fois plus que leurs mères ne fumaient », nous apprend le docteur. Fustigeant le fait que l’État du Sénégal ait procédé à la baise du prix du tabac, il lance : « Il n y a pas plus grave que la décision de baisser le prix du tabac. Conséquence : les plus jeunes et les plus pauvres vont se mettre à fumer ».
Par ailleurs, en guise de réplique au Premier ministre Abdoul Mbaye qui avait récemment exigé que les modifications du projet de loi contre le tabac tiennent compte des « intérêts de l’industrie du tabac », le Dr Kassé explique que le Sénégal dépense chaque année la somme de 51 milliards de francs Cfa pour soigner ses citoyens atteints de maladies chroniques, dues en grande partie à la consommation du tabac. « Même si l’Etat récolte 22 milliards au titre de taxes annuelles sur la vente du tabac, il est très loin des 31,5 milliards de francs de profits, réalisés par an, par l’industrie du tabac au Sénégal. Une manne financière qui n’est pas réinvestie dans ce pays sous quelque forme que ce soit ».
Outre l’argument financier, le cancérologue n’a également pas manqué de réitérer les dangers liés au tabagisme passif. Car : « la fumée du tabac contient plus de 4000 produits chimiques sous forme de gaz et de petites particules qui exposent les fumeurs passifs. Si vous fumez à la maison et que votre enfant souffre de bronchite c’’est vous qui l’avez tué », avertit-il. Enfin, le Dr Kassé a rappelé les chiffres alarmants liés à la mortalité due au tabac. « Toutes les minutes, il y a 9 fumeurs qui meurent ! », regrette-t-il. N’est-ce pas suffisamment alarmant ? Aminata Dème SATHIE | Publication 31/05/2013
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