1/23/12

Sensibilisés sur les méfaits du tabac, les collégiens jurent d’écraser le mégot

Les élèves du collège Sacré-Cœur de Dakar sont sortis de l’exposé, vendredi, du Pr Abdoul Aziz Kassé, la tête remplie de connaissances sur les dangers du tabac. D’ailleurs, ils ont tous juré de ne plus y goûter et de sensibiliser parents et proches. Juste avant, Marie Francisca Abée, élève en classe de 1ère L’A au Collège Sacré-Cœur, ne savait pas qu’elle avait de bonnes raisons de ne pas fumer.
Mais depuis hier, elle sait ce que fumer la cigarette allait lui coûter lorsqu’elle aura atteint l’âge adulte. ‘Si les autres fument et que nous on ne fume pas, on peut se dire des fois qu’on n’a pas raison.
Mais avec tous les risques de fumer qu’il (le Pr Kassé, Ndlr) nous a montré, les maladies que cela entraîne, on est sûr enfin qu’on n’a pas tort de ne pas fumer’, réagit la demoiselle Abée à l’exposé du Pr Abdoul Aziz Kassé sur le danger du tabac.
Parole de spécialiste : ‘Toutes les parties de l’organisme peuvent être le point de départ d’une maladie liée au tabagisme’.

Ainsi, ‘quand on a à faire avec une jeunesse fragile, vous comprenez à la limite que c’est l’avenir sanitaire du Sénégal qui se joue au niveau du secondaire’, prévient le Pr Kassé qui comprend qu’il faut descendre sur le terrain au nom de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) et de l’association Prévenir.
La cible du Pr Kassé n’est pas fortuite. Elle tient au fait que des un milliard 3 millions de fumeurs dans le monde, 90 % ont commencé à l’âge du secondaire. Et de ce nombre de fumeurs, les pays en voie de développement abritent les 83 %. Le plus grave reste à venir du Sénégal.
En effet, selon le cancérologue, sur 100 élèves, 20 fument six cigarettes par jour. Conséquence, fait-il constater, 3 à 83 % de la consommation du tabac se passent à l’école. ‘Nous sommes au collège pour libérer nos enfants pris en otage par des industries du tabac au Sénégal’, déclare, en effet, le cancérologue pour qui, à cause du tabac, des gens meurent dans l’anonymat, des populations sont en sursis et des patients proches sont passés à l’orient éternel. Sur 100 élèves, 20 fument six cigarettes par jour !
Le cancérologue explique cette situation par le fait que fumer est, pour les jeunes, synonyme d’émancipation. ‘On a plus de copines à l’école parce qu’on fume, pensent les élèves’, selon le Pr Kassé. Ce qui est faux, selon lui.
Parce que, quand on fume, on sent mauvais, on traîne une mauvaise haleine, on a les dents grillées, des gencives qui saignent. On a, également, la peau noircie par certaines des 4 500 substances nuisibles que contient la cigarette.Le Pr Kassé ajoute, en outre, que 83 % des enfants ont acheté de la cigarette pour leurs proches parents. Autant de facteurs qui confortent ses intuitions que s’il y a bien un endroit où il faut aller parler aux jeunes, et lutter contre le tabac, c’est bien dans le secondaire. Mais pour lui, il ne suffit pas seulement de leur parler.
Le cancérologue trouve nécessaire de faire une enquête de prévalence pour comprendre quels sont les déterminants qui poussent les jeunes à fumer ou à ne pas fumer. ‘Si on sait pourquoi les gens ne fument pas, on le magnifie et si par contre on sait pourquoi les gens fument, on peut agir sur ces déterminants’, explique le Pr Kassé.
Quand les jeunes subissent le diktat des compagnies de tabac, le plus regrettable, selon le cancérologue, c’est la puissance dont jouissent les industries du tabac au Sénégal. Grâce aux 121 millions de dollars, soit environ 60 500 milliards F Cfa de bénéfices annuels que les compagnies amassent au Sénégal, les médias exposent 80 % des enfants, à travers des messages attentatoires à la santé. En plus, 78 % d’entre eux sont séduits par les panneaux publicitaires.
‘C’est scandaleux que les compagnies qui se replient en Afrique utilisent les ressources africaines pour tromper la jeunesse’, objecte le Pr Kassé montrant des images du chanteur Omar Pène qui offre son image à une marque sur une plaque publicitaire. Ainsi que le roi du Mbalax, Youssou Ndour qui se fait sponsoriser dans une de ses manifestations par une autre marque. ‘Ce sont des enjeux économiques, financiers, stratégiques, de développement qui sont en cause’, selon le conférencier.
100 MILLIONS DE PERSONNES TUEES PAR LE TABAC AU 20EME SIECLE : Pire que les trois génocides du 20e siècle‘Tabagisme : le génocide commence au secondaire’, l’intitulé peut sembler exagéré, mais le patron de l’Institut du cancer de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar convainc. Le premier génocide, la Shorah a fait 5 à 6 millions de juifs tués. Le second, au Rwanda a enregistré 800 mille morts. Le troisième, chez les Arméniens avec 200 mille victimes. Cumulées, ces victimes des trois génocides représentent peu devant les 100 millions de personnes tuées par le tabagisme au cours du 20e siècle que le Pr Kassé a révélé aux collégiens.
Le tabac abat plus que tout autre produit nocif. ‘Pendant la minute que vous prenez pour lire ces quelques lignes, sachez que, quelque part dans le monde, 9 personnes sont mortes du tabac’, signale-t-il. Le Pr Abdoul Aziz Kassé qui se fonde sur les statistiques de l’Oms, n’en veut pour preuve que la cigarette cause 14 mille décès par jour dans le monde. Des chiffres qui donnent froid au dos et qui font penser au cancérologue que le tabac tue plus que le sida et le paludisme réunis.

LUTTE CONTRE LE DANGER : La volonté de l’Etat en question
Tout ce que le Sénégal peut faire pour convaincre de sa bonne volonté, rappelle le cancérologue, ‘c’est de prendre les dispositions de la Convention-Cadre de l’Oms ratifiées depuis longtemps, les transformer en textes de loi et les appliquer’. Aussi, précise le Pr Kassé, ‘nous avons aidé le gouvernement du Sénégal à rédiger la loi, il ne manque qu’une chose : la volonté politique de prendre ce texte et de le faire voter à l’Assemblée nationale’, clarifie le conférencier.
La mesure la plus importante dans la lutte contre le tabagisme s’appelle ‘augmenter le prix’. Mais la hausse de 5 F opérée récemment par une marque, c’est comme jeter de la poudre aux yeux des Sénégalais, après une baisse de 35 à 20 F, le bâton. ‘Une fausse augmentation’, analyse le Pr Kassé. Le cancérologue qui rend compte de la revendication de Global Link, qui est un réseau mondial dont il est membre, est d’avis qu’’il faut augmenter les taxes de 50 % chaque année, si le Sénégal veut être efficace dans la lutte contre le tabagisme’.
Une autre mesure importante pour lutter contre le tabagisme, demeure le prix. ‘Vous laissez stagner le prix, les ventes stagnent. Vous diminuez le prix, les ventes augmentent, parce que les plus pauvres peuvent l’acheter. Et vous augmentez de façon drastique le prix, les pauvres ne peuvent pas se le permettre, les ventes vont diminuer, et les méfaits du tabac vont également diminuer’, indique le Pr Kassé.
[Abdoulaye SIDY, Walfadjri]

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